Essai Nidan : Utilité de l’Aïkido ? par Mickaël Sondag

Dans le cadre du passage de grade Nidan du 16 avril 2022 de Mickaël Sondag.

Les arts martiaux d’origine japonaise puisent leur origine, comme leur nom l’indique, dans la guerre. Lorsque deux volontés – individu ou groupe d’individu – s’opposent, ils arrivent que la solution retenue (choisie ou subie) soit la contrainte physique pour imposer son souhait.
À partir du moment où il y a la présence de l’autre, il peut y avoir désaccord, tension, opposition voir confrontation.
L’aptitude à se battre et à s’en sortir vainqueur repose sur des compétences physiques – la force bien sûr, et la technique – et mental – le célèbre mental du guerrier.
Bien sûr, la taille du groupe, la surprise, la stratégie influence aussi le résultat d’un affrontement.

Ainsi, dans toutes civilisations, un rôle apparaît : celui de soldat.
En fonction de l’histoire du peuple, le soldat peut être un métier à part entier, ou un rôle supplémentaire (à celui de paysan, par exemple).
Ainsi, il y a une recherche de l’amélioration martiale : être plus fort que l’ennemi, avoir une meilleure arme, être plus résistant, plus malin…

L’Histoire du Japon est ponctuée de guerre civile. Comme l’être humain est inventif, il a su développer une multitude de technique de combat et d’armes (du simple bâton, au drone tueur actuel).

La manière la plus naturelle d’apprentissage reste le jeu. C’est ainsi que les nouveaux-nés dans le règne animal, puissent apprendre à survivre : en imitant ceux qui était là avant. Le bébé humain ne fait pas exception et jouent très tôt.
Ainsi, pour «apprendre à se battre et à survivre», le jeu, c’est à dire, le faire semblant mais avec des règles, est utilisé.
On fait semblant d’être face à un ennemi, jusqu’au jour où on arrête de jouer, car l’ennemi est réellement là.

Les écoles militaires encore de nos jours fonctionnent comme cela, ainsi que les cours d’Aïkido, où on cherche à reproduire ce que l’enseignant et les sempaï – celui qui était là avant – font.

Au Japon médiévale, les guerriers nommés samouraï formaient une caste. C’était leur métier. Et c’est un élément important à souligner : leur capacité à se battre était leur métier, leur rôle social, leur utilité au sein de la société.

Or, lorsque le Japon à décidé de s’ouvrir au monde et de s’occidentaliser fin XIXème siècle (La révolution de Meiji), nous avons ici environ 7 % de la population qui se retrouvent désemparé. Ce sont les samouraï. Leur savoir-faire est délaissé, au profit des armes à feu venue de l’occident.

Ce n’est pas la première fois que les samouraï se retrouvent au «chômage technique». Sous les shoguns Tokugawa (à partir de 1615), ils avaient déjà fait preuve d’adaptabilité, en se réorientant vers les arts et l’administration, sans toutefois abandonné les armes. Un pont se forme, entre le fait de savoir tuer, et le fait d’être artiste.

Fin XIXème siècle, nous avons donc une classe de samouraï qui touche à sa fin, ordonné par le gouvernement. Les samouraïs étaient les seuls à avoir le droit de porter des armes. Ce droit est enlevé.

Que reste-il pour ces samouraï ? Un savoir-faire et un savoir-être. Dans une société tourné vers l’avenir et le «progrès». Une société qui ne semble pas intéressé par savoir comment tuer un homme à main nue, ou faire joujou avec un sabre.

Des écoles martiales survivent, mais ce n’est plus pour formé une caste guerrière (sauf quelques applications en école militaire). Le côté martial reste mis en avant, mais sans pouvoir être vérifié sur le terrain.

La compétition vient prendre le relais de la guerre, mais la compétition reste, par son cadre, un jeu, et non la véritable guerre.

Les arts martiaux développent alors d’autant plus le côté artistique, le côté «do», voie personnelle, que le côté martial n’est pas réellement démontrable.

Morihei Ueshiba nait en 1883. Le Japon qui le voit naître est donc vidé de la fonction de samouraï. Morihei Ueshiba fait carrière dans le militaire en démontrant ses aptitudes guerrière. C’est donc le côté martial qui prédomine, jusqu’au jour où un changement éclot dans son esprit, sous la forme d’une révélation (satori). L’art martial qu’il développe deviendra l’Aïkido, une voie pour que «tous les corps et les esprits soient sains et ne forment qu’un»

Encore une fois, nous sommes partis du martial, pour arriver à l’art.

À l’origine, nous sommes partis d’un moyen d’arriver à ses fins : se battre pour survivre ou imposer sa volonté. Puis, les qualités développés pour être un bon guerrier ont pu être transposé dans d’autres domaines, créant des ponts.
Enfin, l’Aïkido montrent un chemin de réalisation personnelle, à base d’harmonie en soi et vis-à-vis des autres.

Mais nous voilà tout autant avancer qu’au début de cet essai…
Aujourd’hui, il n’y a que voir le rayon «Développement personnel» dans une librairie pour comprendre que ce sont des termes très vagues, qu’on peut distordre sans gêne.


Alors, à quoi sert l’Aïkido ?

Je vais y répondre de manière personnelle, donc fortement subjectif. Car lorsqu’il n’est pas possible d’en tirer une définition générale, il n’y a plus que l’expérience subjective qui peut éventuellement avoir une valeur.
Et cette expérience est aussi subjective que fugace. Je sais que si j’avais écris cet essai hier, ou demain, les mots auraient été différents. Ainsi est la vie.

Et on le sait déjà… car je n’ai jamais entendu deux personnes utiliser les mêmes mots pour expliquer ce qu’est l’Aïkido, et pourquoi on pratique.

D’ailleurs, je n’ai jamais utilisé deux fois les mêmes mots pour en parler autour de moi…

L’Aïkido est pour moi un outil. J’ai essayé de le voir comme une voie. Mais faute à l’époque ou à moi-même, j’en reviens toujours à la dimension d’un outil. Une voie englobe l’Univers. Un outil est utilisable dans différentes situations.
C’est un outil qu’on a toujours sur soi, à l’image de ses bras et ses jambes. Mieux encore, c’est un «meta-outil», c’est à dire un outil qui permet d’utiliser d’autres outils, en l’occurrence son corps et son mental.

En fait, l’Aïkido est un mode d’emploi qui explique une des manière possible d’exploiter notre être.

C’est un mode d’emploi bien costaud, et il faut bien quelques décennies pour réussir à le lire en entier (ou serait-ce des siècles?) . Et encore, j’ai l’impression que certains passages ne sont pas traduits en français…

Il y a avant tout une dimension physique :

– Comment fonctionne mon corps ? Comment respecter mon intégrité ? Comment être efficace dans les mouvements de tous les jours ?

L’Aïkido me fait marcher, courir, m’asseoir différemment que si je ne pratiquais pas.

L’Aïkido me permet aussi de prendre conscience de l’espace différemment. Me positionner par rapport à mon interlocuteur, par rapport au groupe.

J’aime croire qu’on voit à ma manière de me déplacer, de me tenir, et de travailler que je fait un art martial. Et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave. Du moment que je le crois.

Etre prêt physiquement. À tout. C’est mon côté petit garçon qui souhaiterait être un super-héros. Etre prêt à agir. À courir, à se battre, à jouer, à rire. Etre physiquement prêt pour vivre. Apprendre à être prêt.

Il y a aussi la dimension mentale, certainement la plus importante, car le corps est condamné à la décrépitude, là où l’esprit a plus de chance de tenir un tantinet plus longtemps :

– Le goût de l’effort. C’est peut-être tout bête, mais certainement pas facile. Apprécier faire, pour l’expérience en elle-même. Après tout, si ce que je fais est plaisant, pas besoin de l’outil Aïkido. Sinon, je l’utilise : puis-je me rapprocher de la perfection dans cette tâche ? Puis-je rendre mes mouvements épurés ? Ou est-ce que je peux faire zazen pendant cette tâche ?
Dernièrement, j’ai passé 8h à mettre des cônes sur des bouteilles de vins. Je confirme : l’Aïkido a bien fait son job.

– L’Antifragilité (concept inventé par Nassim Nicholas Taleb). L’Antifragilité, c’est après un traumatisme, revenir plus fort. C’est le «ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort» de Nietsche. Là où la résistance nous fait tenir plus longtemps avant de craquer, là où la résilience nous fait revenir au point de départ après un traumatisme, l’antifragilité nous fait devenir encore plus fort (après une période de récupération). Ainsi, l’Aïkido nous apprend à toujours revenir, mais en étant un peu meilleur à chaque fois. Tant que c’est possible. Et c’est évidemment applicable dans la vie de tous les jours. Embrasser les épreuves pour mieux les vivres, et de plus en plus.

– «As it is». Le seul «ennemi» est soi-même. C’est rarement l’évènement en soi-même qui pose problème, mais son interprétation. Ainsi, soit je trouve un moyen d’appliquer du caoutchouc sur toute la surface du monde, soit j’apprend à tomber et à me relever. Même mieux : j’apprend à aimer tomber. Comme disent les anglais :

« La douleur est inévitable, la souffrance est optionnelle».

J’ai énormément de respect pour les nouveaux pratiquants qui acceptent de continuer. Il n’y a rien d’évident à accepter que si on a mal, c’est de notre responsabilité. Et que la progression va passer par des bleus, des coups de bokken sur les doigts, des courbatures, des lèvres qui saignent, et autres petites joyeusetés…
Parce qu’on choisit de venir sur un tatami, on peut aussi choisir de ne pas se soumettre à ce traitement-là. Mais le tatami est un jeu, pour s’entraîner à la Vie. Dans un environnement aux risques maîtrisés, on joue. Car la Vie va nous donner des bleus, des coups de bokken sur les doigts, des lèvres qui saignent, que ce soit physique ou mental. L’Aïkido nous y prépare. Je retrouve l’aspect jeu / guerre décrit dans l’introduction.

Il n’y a aucune garantie dans la vie. Personne ne nous doit rien. La vie, parfois, ca fait mal, et à la fin, on crève. Heureusement, l’Aïkido est un outil, non pas pour avoir moins mal, mais pour moins souffrir. Et pouvoir jouer avec nos douleurs.

Ceci est très subjectif. C’est ce que l’Aïkido a fait naître ou développer chez moi. L’Aïkido reste un outil, on peut l’utiliser de multiple façons.

Pour l’instant, voilà où j’en suis dans la lecture de ce mode d’emploi…

Mais j’ai encore quelques centaines de pages à parcourir. Et je ne lis pas vite !

Mickaël Sondag

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